Apprentissage en LP

Plus que jamais un danger pour le Service Public d’Éducation

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Soutenir et développer l’apprentissage est un objectif partagé par les gouvernements successifs. C’est très rare de trouver un tel consensus dans d’autres domaines. L’argument avancé c’est que cette voie de formation favorise une insertion rapide sur le marché du travail, et serait donc un moyen pour lutter contre le chômage.

La loi Avenir professionnel, à travers ses textes d’application, a mis en place une série de dispositifs dans le but de développer quantitativement l’apprentissage.

L’implication active de l’Éducation nationale est une première car Jean-Michel Blanquer et Murielle Pénicaud, main dans la main, ont assuré le service après-vente pour rendre l’apprentissage plus attractif, notamment en le valorisant auprès des collégiens et assurer une meilleure articulation entre l’enseignement professionnel scolaire et l’apprentissage. Ainsi les LP se trouvent obligés de réserver des places pour les apprenti·es.

Interrogé à l’Assemblée nationale lors des questions au gouvernement le 10 octobre 2018, Jean-Michel Blanquer a d’ailleurs affirmé que l’apprentissage et l’enseignement professionnel étaient appelés à « se conforter l’un l’autre […] pour créer des emplois en France« .

Or, à ce moment-là, et sans le dire directement aux députés, le ministre de l’Éducation nationale préparait la transformation de la voie professionnelle scolaire pour la rendre plus adaptable au projet du gouvernement : l’apprentissage d’abord !

Il prône le dépassement du clivage entre les deux modes de formation, alors que tout est fait pour favoriser l’apprentissage au détriment de l’enseignement professionnel public, comme le montre ci-dessous quelques illustrations :

La carte des formations de l’apprentissage est uniquement dans le giron des branches professionnelles et échappe à tout contrôle de l’Etat et des Régions. Ce qui permet aux patronats d’ouvrir ou fermer des formations en fonction de leurs besoins, varier les offres de formation et multiplier les certificats professionnels. A l’opposé, la carte des formations de l’enseignement professionnel stagne, n’évolue pas et quelques fois elle est utilisée pour gérer les flux des élèves. Dans le même temps le ministre Blanquer déclare rendre la voie professionnelle plus attractive en lui permettant d’offrir des formations tournées vers les défis du XXIe siècle !

Les budgets des LP sont fragilisés par la baisse drastique de la part de la taxe d’apprentissage consacrée aux établissements hors apprentissage. En 1996 cette part (Barème) représentait 60 % de la taxe d’apprentissage et en 2020 elle est réduite à 13 %.

La mixité des publics où, dans un premier temps, des formations spécifiques et à faibles effectifs sont visées et les personnels sont invités à accepter les apprenti·es dans leurs classes afin de préserver leurs emplois. Mais l’objectif principal des décideurs c’est d’optimiser le coût des formations sans tenir compte des effets négatifs sur la formation professionnelle initiale sous statut scolaire. 

L’instauration d’un rythme de formation à plusieurs vitesses aura des conséquences négatives sur la scolarité des élèves de la voie professionnelle, publics en grande difficulté. Car le temps passé par les apprenti·es dans l’entreprise peut atteindre 75 % de la durée globale de la formation ce qui n’est pas le cas des élèves qui doivent effectuer 22 semaines de stages sur 3 ans en bac pro et 12 à 14 semaines sur 2 ans en CAP. Donc à chaque fois le rythme de la formation doit être retardé pour permettre aux apprenti·es de suivre les cours et les différentes activités professionnelles. Ainsi les enseignant·es devront mettre en place un enseignement à la carte pour prendre en compte les absences des apprenti·es. Donc, encore plus de dégradation des conditions d’études des jeunes de la voie professionnelle et des conditions d’enseignement des professeur·es de lycée professionnel.

Avec la mixité des publics les ruptures deviennent invisibles car en perdant son contrat de travail l’apprenti·e devient élève, ce qui va permettre à quelques employeurs de continuer à exploiter, discriminer et sélectionner les jeunes.

Il clair que cette mixité engendrera d’autres difficultés (suivi en entreprise, évaluations, absences, sanctions). Mais le grand problème c’est dévier, progressivement, l’enseignement professionnel sous statut scolaire de sa mission principale.