L’apprentissage : plus que jamais un danger pour le Service Public d’Éducation

La loi du 5 septembre 2018 dite loi «Pour la liberté de choisir son avenir professionnel» modifie en profondeur le paysage de la formation professionnelle en général et celui de l’apprentissage en particulier, son pilotage, l’organisation de son financement ainsi que le rôle et la place des partenaires sociaux. L’apprentissage tel que nous l’avons connu n’existe plus, ce système de formation a été totalement transformé pour permettre son développement dans les années à venir.

L’apprentissage est désormais administré par les branches professionnelles. C’est une régulation du marché de la formation selon une logique d’offre et de demande. Cette loi instaure de fait, un système de concurrence entre les CFA privés et, les CFA publics et les lycées professionnels. Ainsi, le gouvernement répond à une revendication régulière des organisations patronales en leur attribuant l’élaboration et la régulation des diplômes.

En parallèle, l’enseignement professionnel subit aussi la «transformation de la voie professionnelle scolaire» de Blanquer qui prépare les lycéen.nes à l’apprentissage par la mise en place des familles de métiers, «le développement de parcours adaptés» et «un accès à l’apprentissage dans tous les lycées professionnels» prévus par cette «réforme». L’objectif est bien de développer l’apprentissage à tous les niveaux, notamment dans les LP à travers la mise en place du mixage des parcours et des publics et dans l’enseignement supérieur grâce au développement d’un niveau de qualification court (diplôme d’établissement bac+1 labellisé « formation supérieure spécialisée ») dont le modèle économique devrait reposer sur les contrats d’apprentissage.

Malgré la crise sanitaire et la crise économique, le gouvernement poursuit cette politique. Le plan de relance et sa déclinaison pour la jeunesse «1 jeune, 1 solution» apporte une aide financière massive aux entreprises afin de soutenir le développement de l’apprentissage à tous les niveaux dans le système éducatif. Il a été décidé dès la troisième loi de finances rectificative de soutenir financièrement l’embauche de salarié.es en alternance, à travers une aide à l’apprentissage et une aide au contrat de professionnalisation pour la première année du contrat. Le coût total de ces deux aides est de 2 Md€, dont près de 1,5 Md€ en crédits de paiement pour 2021 auquel il faut ajouter 750 Millions d’euros pour résorber le déficit de France compétences*. Derrière ce plan, se cache en fait un plan de développement de l’apprentissage, de transformation de la formation professionnelle, d’abaissement du coût du travail et de mise en concurrence de salarié.es entre eux/elles. Avec la mise en place d’aides massives à l’embauche des jeunes et à l’apprentissage, ce plan va créer un effet d’aubaine pour les entreprises.

Les projections établies dans le rapport « Conséquences financières de la réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle »** de l’IGAS et l’IGF prévoient, et ce malgré la crise, une croissance à deux chiffres du nombre de nouveaux contrats signés par apprentissage dans les prochaines années. Ainsi suivant les scénarios mis en place, ce nombre pourrait passer de 391 600 en 2020 à 625 600 en 2023. CettecroissanceserasûrementproportionnellementplusimportantedanslesfilièrespostBAC comme cela a été le cas ces dernières années mais elle impactera l’ensemble du système éducatif dans ses structures et son fonctionnement. Elle aura des conséquences sur le métier et les conditions de travail des enseignant.es qui devront prendre en charge ce nouveau public.

Parce que cette réforme accroît la mise en concurrence des organismes et des voies de la formation professionnelle (initiale sous statut scolaire, apprentissage et formation continue), qu’elle met sous tension l’ensemble des acteur·trices, qu’elle institutionnalise le mixage des publics, qu’elle déréglemente l’offre de formation et le financement, mais également parce qu’elle a mis à mal l’orientation scolaire, la FSU revendique l’abrogation de cette loi.

La FSU doit rester combative pour défendre le service public de l’éducation et de la formation. Nos interventions doivent contribuer à poursuivre le débat sur ce mode de formation qui serait soi-disant plébiscité par tous. Des alternatives moins coûteuses et plus efficaces sont pourtant possibles, permettant l’élévation du niveau de qualification et l’acquisition d’une culture commune émancipatrice pour tous, toutes les jeunes, c’est le sens du projet éducatif porté par la FSU autour de la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans.

Ce document permet d’aider les millitant.es sur l’ensemble des questions qui sont posées par la mise en œuvre de cette réforme de l’apprentissage.