Se protéger ET ne pas se mettre en faute
C’est un droit fondamental pour tout·e salarié·e, datant de 1982, implicitement lié à l’obligation pour l’employeur de protéger ses salarié.es (Article L4121-1 du Code du Travail). Récemment attaqué par l’employeur, dans une « note » de la DGAFP (Direction de la fonction publique ; une « note » n’a aucune valeur légale), le droit de retrait est indissociable de la notion de DGI (Danger Grave et Imminent) menaçant le/la salarié·e. Attention, c’est un droit individuel, qui s’utilise seulement à quatre conditions bien précises, et dont la légitimité s’évalue au cas par cas (in fine par l’Inspecteur du travail, voire le juge).
QUAND UTILISER LE DROIT DE RETRAIT ? (Les 4 conditions à respecter)
(Articles 5-6 à 5-10 du décret n°82-453 ; article L231-8 du Code du travail)
ALERTE + GRAVE + IMMINENT + motif RAISONNABLE
Si un·e agent·e a un motif raisonnable de penser qu’une situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (ainsi que toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection), il·elle le signale immédiatement à l’autorité administrative ou à son représentant, qui le consigne sur le Registre de signalement d’un danger grave et imminent (DGI).
Aucune sanction, aucune retenue sur salaire ne peut être prise à l’encontre d’un·e agent·e qui s’est retiré d’une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
ATTENTION !!! Les 4 passages en gras sont impératifs, ils doivent se cumuler ! En creux, ça veut dire qu’une sanction financière et/ou disciplinaire pourrait être prise contre un·e agent·e qui n’aurait pas respecté les quatre points suivants en même temps :
ALERTE ? Dès qu’on pense déceler un risque, on a l’obligation légale de le signaler à son supérieur hiérarchique. On parle de « droit d’alerte », mais c’est en réalité un « devoir » d’alerte ou plus précisément une procédure d’alerte. Comment ? Le plus vite possible, et par tous les moyens utiles, mais il vaut mieux qu’il y ait des traces écrites, directement ou par l’intermédiaire d’un·e représentant·e du personnel. Pas de droit de retrait sans avoir exercé un droit d’alerte…
Danger GRAVE ? C’est une menace pouvant provoquer la mort ou une incapacité temporaire prolongée ou permanente. Dans le cas du Coronavirus, le caractère éventuellement GRAVE ne fait guère de doute… mais à condition d’y être réellement exposé. Voir (de loin) une personne atteinte du Covid19 n’est pas grave en soi…
Danger IMMINENT ? C’est un danger à même de se produire dans un délai très rapproché, cette notion n’exclut absolument pas celle de « risque à effet différé ». Ce qui veut dire que pour pouvoir percevoir ce risque, il faut être sur son lieu de travail, percevoir le risque à même de se produire, ou constater une défectuosité dans les systèmes de protection. Chacun comprendra que ce dernier point est fondamental dans le contexte actuel. Mais cela veut dire aussi qu’on ne peut pas déclencher un droit de retrait avant de se rendre sur son lieu de travail. Un exemple : l’absence de tests de dépistage est très regrettable, mais constitue-t-elle forcément un motif de DGI ? Pas forcément, si l’Agence régionale de santé (ARS) estime in fine que le test ne fait partie des systèmes indispensables de protection.
Suis-je protégé·e et légitime à me mettre en droit de retrait si une organisation syndicale a déclenché une « procédure d’alerte » au niveau national ou départemental ? ABSOLUMENT PAS. Je dois percevoir une menace imminente sur mon propre lieu de travail pour user de mon droit de retrait individuel.
Motif RAISONNABLE ? Je dois avoir des raisons valables de penser que je suis menacé.e par un DGI, sans que ce soit à moi d’en faire la preuve. Un exemple ? Un collègue fait cours. Une dalle du plafond se détache, et des poussières de fibres se répandent dans l’air. Le collègue, même s’il n’est pas spécialiste des matériaux, peut avoir un motif raisonnable de penser qu’il s’agit peut-être de fibres d’amiante. Ce n’est pas au salarié de prouver l’existence d’un DGI, mais c’est à l’employeur de prendre des mesures pour le protéger, ou de lui prouver éventuellement que ce DGI n’existait pas. Mais attention, la peur et l’inquiétude, séparées d’une situation particulière de travail, ne peuvent pas seules justifier un droit de retrait…
« Défectuosité dans les systèmes de protection » ? Dans le cadre de l’épidémie de la Covid-19, une entorse à l’un des éléments suivants pourrait probablement accréditer un DGI :
- Insuffisance d’un des moyens de protection exigés par les autorités sanitaires
- Insuffisance de mise en place d’une organisation adaptée (distances, matériel de protection…)
- Insuffisance de mesures de protection collectives (nettoyage des locaux, modes de circulation…)
- Impossibilité de moyens de protection individuels conformes aux normes sanitaires
- Absence ou insuffisance dans l’évaluation des risques (Absence de mise à jour du DUER, par exemple. C’est sur ce motif qu’Amazon a été condamnée au printemps 2020)
COMMENT UTILISER LE DROIT DE RETRAIT ?
Si les 4 conditions sont remplies, un·e agent·e peut décider de faire usage de son droit de retrait. Attention, c’est un droit individuel, pas collectif. Cela n’a aucun sens de « voter » un droit de retrait. Par contre, plusieurs agent·es du même site peuvent décider en même temps de faire usage de leur droit de retrait individuel pour le même motif.
En cas de droit de retrait, est-ce que j’ai le droit de rentrer chez moi ? Pas forcément. La plupart du temps, non. Faire usage de son droit de retrait, c’est se retirer de la situation de travail qui comporte un DGI, à condition bien sûr de ne pas mettre les autres en danger. Pour un·e enseignant·e, si le DGI est associé à une salle précise, se retirer de la situation à risque consistera à aller avec ses élèves… dans une salle qui n’est pas à risque (si c’est possible).
Pour la Covid-19, ça peut être plus compliqué, car le risque peut venir des élèves (ou des collègues). Et un personnel éducatif sera en faute s’il abandonne les élèves dont il avait la charge. Pour un·e enseignant·e, le moment adéquat pour déclencher son droit de retrait va donc être juste avant de prendre des élèves en charge.
Quelles sont les obligations de l’administration ?
« L’autorité administrative ne peut demander à l’agent qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.» Elle doit donner les instructions nécessaires pour permettre aux agent·es, en cas de danger grave et imminent, d’arrêter leur activité et de se mettre en sécurité en quittant immédiatement le lieu de travail. S’il y a désaccord, le CHSCT doit être saisi et réuni.
DANS TOUS LES CAS : faire appel à un·e élu·e FSU des personnels en CHSCT
Pourquoi ? Car il·elle va d’abord vous conseiller pour déterminer si vous êtes légitime à faire usage de votre droit de retrait, et vous permettre de vous protéger tout en restant dans les clous. Et surtout… si c’est un·e élu·e en CHSCT qui remplit le registre DGI, cela déclenchera automatiquement une enquête d’urgence sur l’existence de ce DGI, auquel l’élu en CHSCT sera associé, sans forcément d’ailleurs qu’il y ait eu droit de retrait. Et, si et seulement si l’élu·e est en désaccord avec l’employeur sur la réalité du danger ou sur les mesures prises pour le faire cesser, il y aura convocation d’un CHSCT extraordinaire dans les 24h, en présence de l’Inspecteur du Travail.