Compte-rendu de la 2eme réunion consacré aux mesures salariales annoncées par le ministre.
Le ministère a présenté ses pistes de travail sur le pacte le mercredi 8 février lors de la 2e réunion consacrée aux mesures salariales. Depuis 8 mois, le pacte est présenté par le président et le ministre comme l’un des deux outils de la « revalorisation inédite » des personnels. Or, le pacte, et cette réunion l’a confirmée, est la traduction macroniste du « travailler plus pour, peut-être, gagner plus » dans l’Éducation nationale. Le SNUEP-FSU et les syndicats de la FSU l’ont donc dit et répété : le pacte n’est pas une revalorisation ! De la même manière que le président, le gouvernement et le ministre commentent à n’importe quelle occasion la prétendue augmentation de 10 % pour tous les personnels dans la continuité des promesses présidentielles, associer le pacte au mot revalorisation est une tromperie intellectuelle.
Les éléments présentés par le ministère ne sont à ce stade que des pistes de travail mais l’architecture de ce dispositif et ses conséquences se dessinent clairement : le pacte est une projet méprisant, provocateur et hors-sol.
Les missions
Dans un document de travail, deux types de missions sont présentées :
- les missions devant être impérativement couvertes = remplacement de courte durée à l’interne
- les autres autres missions : coordination/intervention dans les projets CNR, missions de coordination/référents, tutorat/mentorat des nouveaux professeurs, participation aux sessions de consolidation/approfondissement en 6eme, Devoirs Faits en 6eme, orientation renforcée, découverte des métiers au collège, relations lycées/entreprises (en lycée professionnel)
Cette présentation confirme que le pacte est l’outil de la mise en œuvre de la politique d’Emmanuel Macron : CNR, nouvelle 6eme, remplacement de courte durée…
Cela confirme aussi le caractère très contraignant du pacte : tout PLP qui s’engagerait dans le pacte devra obligatoirement réaliser du remplacement de courte durée, en plus des autres missions. Le ministère insiste très lourdement sur les 15 millions d’heures perdues en raison des remplacements non effectués pour expliquer la place de cette mission dans le pacte, mais cela revient à faire porter sur les personnels la responsabilité de l’incurie du ministère en la matière !
De manière plus générale, la liste de missions confirme que le pacte est synonyme de missions supplémentaires et donc d’alourdissement de la charge de travail. Remplacements en interne, participation aux sessions de soutien et approfondissement, tutorat…cela demande du temps et du travail en plus face aux élèves et en dehors. Le pacte est donc une réponse complètement hors sol par rapport à la réalité de nos métiers !
Pour les PLP, le ministère anticipe déjà sur une possible mesure de la réforme voulue par la ministre C. Grandjean : relations lycée-entreprise. Nos établissements manquant de DDF et d’assistant·es aux DDF, l’objectif du ministère est de reporter leurs missions sur les PLP !
Le ministère a annoncé que les CPE seraient finalement concernés par le pacte, sans être en mesure de donner des précisions sur les missions concernées.
La rémunération
Après les sorties pour le moins inattendues du ministre lors d’une matinale radio annonçant 72h de travail en plus dans le cadre du pacte, notons que cette référence chiffrée a disparu des documents de travail ministériels !
Le ministère annonce une rémunération moyenne du pacte à 3650 euros bruts annuels, ce qui correspond à 10 % du salaire annuel moyen et pourrait permettre une augmentation de 10 % en moyenne. Plus précisément, impossible d’en savoir plus à cette date : indemnité « pacte » avec différents paliers correspondant à différents panels de missions (soit l’équivalent de différents types de pacte, type Gold etc), élargissement du périmètre des HSE et des IMP (qui vont continuer d’exister en 2023 mais qui pourraient finir par être intégrées dans le pacte…).
Mais une perspective se dessine : valoriser les missions du pacte pour que les professeurs souhaitant légitimement être mieux payés soient incités à prendre le pacte. Autrement dit, jouer une forme de chantage au déclassement salarial pour mieux vendre le pacte….
Notre analyse
Le pacte est une proposition hors sol, méprisante et provocatrice ! Plutôt que d’améliorer l’attractivité de notre métier de PLP en augmentant fortement les traitements et en améliorant les conditions de travail, le ministère veut nous faire travailler plus pour combler, voir cacher, le manque de PLP.
Le ministère passe complètement sous les radars la réalité de notre métier
Les enquêtes institutionnelles montrent à la fois que les professeur·es ont une charge de travail très lourde (la moitié travaille plus de 43h par semaine selon la DEPP en octobre 2022) et un état d’épuisement avancé (enquête de l’observatoire du bien-être, octobre 2022). La principale réponse du ministère est donc de charger plus encore la barque ! Alors que de plus en plus de collègues cherchent à quitter l’Éducation nationale, que les concours ne font pas toujours le plein, la réponse du ministère est donc « restez, venez…on va vous faire travailler plus (dans des conditions toujours aussi difficiles) ! ».
Le pacte est aussi d’un profond mépris pour les femmes
Les enquêtes confirment aussi l’état des inégalités en matière de rémunération dans l’Éducation nationale en particulier par les primes et les missions supplémentaires. Ces dernières sont plus favorable aux hommes qu’aux femmes et aggrave les inégalités salariales de genre. Ainsi, si en moyenne 23,2 % des personnels bénéficient d’IMP, cette part est supérieure à la moyenne pour les hommes (25,9 % ), et inférieure à la moyenne pour les femmes (21,4 % des enseignantes touchent des IMP). Lorsqu’elles s’engagent dans ces missions, elles touchent un montant moyen inférieur de 35 % à celui des hommes. Pour les recours aux HSE, à la rentrée 2020, les hommes touchaient en moyenne 1358 euros d’HSE par an, les femmes 988 euros. Réponse du ministère : mettre en place un pacte qui renforce l’usage des primes et des missions supplémentaires. Dans l’Éducation nationale la prétendue grande cause du quinquennat en reste, encore une fois, au stade des grands discours !
Un projet politique envers et contre tout et tous !
Le ministère invente une usine à gaz improbable pour l’organisation du pacte dans les établissements. En rendant obligatoire la mission des remplacements de courte durée, le ministère met en danger d’autres missions (tutorat, référents etc) : s’il faut obligatoire entrer dans le pacte pour continuer ces missions, qui continuera à les assurer ? Le ministère est donc prêt à faire dysfonctionner les établissements pour imposer son projet politique.
Redéfinir nos métiers
Les mesures socles (sans contreparties) et le pacte sont liées ! Les mesures « socle », quelles qu’elles soient, conduisent à un aplatissement de la progression de la rémunération passé les 15 premières années de carrière. C’est d’autant plus évident que la prétendue revalorisation se fait à coup de primes qui n’ont rien de pérenne.
Quelle est alors la perspective offerte à des collègues qui souhaiteraient légitimement être mieux payés ? Le pacte et son cortège de missions supplémentaires ! Autrement dit, le ministère fait des choix ciblés avec les mesures socle pour mieux vendre et imposer le pacte. Or, ce dernier est un profond outil de dénaturation de nos métiers : en valorisant les missions supplémentaires, il accroît la charge de travail et décentre le cœur de nos métiers de l’enseignement vers d’autres tâches.
Le pacte marque également une bascule brutale de nos statuts : aujourd’hui, nos métiers s’inscrivent dans une Fonction publique de carrière dans laquelle la rémunération évolue principalement du fait de la progression de carrière dans le temps. Avec le pacte, on bascule vers une Fonction publique d’emploi dans laquelle la rémunération évolue en fonction du poste occupé et des missions acceptées. Le pacte va obliger les collègues qui auront besoin d’accroître leur rémunération à accepter, sur des bases contractuelles « négociées » avec le chef d’établissement, des rémunérations complémentaires indemnitaires individualisées en échange de missions supplémentaires.
Une logique managériale et de mise en concurrence
La mise en œuvre du pacte relève d’une redoutable logique managériale : évaluation des besoins en fin d’année, concertation, appel à candidatures, signature du pacte etc. Il s’agit donc de négocier et de signer, avec son chef d’établissement, un pacte qui dresse la liste des missions pour lesquelles un professeur s’engage pour un an, peut-être sous la forme d’une lettre de mission. Un « suivi » sera assuré par le chef d’établissement : autrement dit, un contrôle de tous les instants pour savoir si les heures ont été bien assurées. Un redoutable outil de caporalisation et de néo-management !
Et maintenant ?
Pour le SNUEP et la FSU, le pacte, c’est non ! Ils exigent une revalorisation sans contreparties de toutes et tous, débuts, milieux et fin de carrière. Ils appellent les personnels à rendre visible les revendications salariales dans les mobilisations retraites notamment les 16 février et 7 mars ainsi que le 8 mars à l’occasion de la journée de lutte pour les droits des femmes.
Communiqué de la FSU : le pacte, une nouvelle provocation envers les personnels !