Déclaration de la FSU au Conseil Supérieur de l’Education du 14 mars 2024

Mme la Ministre,

Trois ministres en 3 mois. 5 depuis mars 2022. Cette valse ministérielle aura été sans cesse à contretemps, aggravant la crise que traverse l’Éducation nationale. Rythme effréné des annonces puis mensonges et provocations et maintenant, le retour des ordres et contre-ordres.

Quelle crédibilité accorder alors à la parole politique ? Les différentes réformes envisagées ne vont faire que renforcer les dégradations des conditions de travail des agent·es et les inégalités déjà existantes entre les élèves, et entre le public et le privé. Les ministres passent, se contredisent, et pendant ce temps, l’École publique est au bord de l’effondrement.

Le rythme voulu par le gouvernement et par l’antépénultième ministre de l’éducation nationale voit ses limites. Nous avons alerté à de multiples reprises, au-delà de notre appréciation des réformes, sur les conséquences délétères pour les personnels et les élèves de réformes incessantes. Les personnels ont besoin de pouvoir bien faire leur travail et de ne pas être soumis à des pressions permanentes.

Avec ce rythme, le dialogue social devient caduc. La FSU rappelle que la qualité du dialogue social peut se mesurer à la qualité de l’écoute et à la prise en compte de la parole des organisations syndicales représentatives qui connaissent le terrain. Lorsque celles-ci demandent des bilans des précédentes réformes, des projections et études d’impacts sur les réformes à venir, ce n’est pas dans l’objectif de faire travailler les personnels de l’administration centrale mais bien pour pouvoir porter une analyse sérieuse des transformations proposées.

La FSU profite de ce CSE pour  réaffirmer une fois encore, qu’imposer une réforme de la formation initiale et des concours de recrutement dès la rentrée 2024 est irresponsable, et peu respectueux de l’ensemble des personnels qui concourent à cette formation ainsi que des étudiant·es qui vont la subir dans l’urgence. Imposée dans les délais impartis, celle-ci risque d’avoir les effets inverses de ceux recherchés et de déstabiliser encore plus le service public d’Éducation. Si le gouvernement avait réellement la volonté de renforcer l’attractivité des métiers de l’éducation nationale, il aurait déjà pris la décision d’augmenter les salaires, or il va à l’inverse de l’investissement dans le service public d’éducation puisqu’il a décidé avec autorité et sans passer par le débat parlementaire de réaliser une coupe de 10 milliards d’euros sur le budget de l’État. Ce sont 692 millions qui seront amputés au budget de la mission de l’enseignement scolaire, alors qu’en maintenant les aides aux employeurs d’apprenti·es, il contribue à alimenter le déficit de France compétence de plusieurs Milliards d’euros qu’il continue à renflouer comme chaque année depuis 2020.

Pour la FSU, il est grand temps de revaloriser tous les corps de l’éducation nationale. La reconnaissance des personnels passe d’abord par des questions de rémunérations indiciaires afin de ne pas pénaliser encore une fois les femmes qui constituent une majorité à l’éducation nationale. Cette première étape de reconnaissance salariale devra être accompagnée de mesures d’amélioration des conditions de travail, et ce ne sont pas des groupes de niveau dont les élèves ont besoin mais d’une baisse d’effectifs par classe, pour pouvoir répondre aux besoins de tous les élèves.

L’investissement dans la jeunesse de demain dans un système plus égalitaire  passera par d’autres dispositifs que le SNU ou encore l’uniforme. Les mesures « choc des savoirs » quant à elles, que ce soit 1er ou 2nd degré, la mise en place de stage d’observation en seconde, la réforme de la voie professionnelle, vont d’une part renforcer les inégalités, mais aussi désorganiser les établissements scolaires et par conséquent l’ensemble de ses personnels et des élèves. Elles vont creuser encore plus les inégalités scolaires et détériorer le métier en dépossédant les enseignantes et enseignants de leur expertise. La FSU demande l’abandon de l’ensemble de ces « réformes ».

Malgré l’affichage serein du ministère, celui-ci devrait s’enquérir des remontées qui lui sont faites par l’ensemble des personnels dont les chefs d’établissement, les IEN et les IA IPR ! Le ministère travaille contre ses personnels et contre les avis scientifiques.

A la FSU, toutes les mesures prises ces derniers temps renforcent notre conviction : la volonté réelle du gouvernement est de détruire l’ensemble des services publics, seuls lieux à même de lutter en partie contre les inégalités !

A quelques mois des JOP qui vont se dérouler en France, le gouvernement rabâche à qui veut l’entendre la notion d’héritage. Il va jusqu’à dépenser 16 millions d’euros pour diffuser auprès des élèves d’élémentaires les discours présidentiel et ministériel et donner à chaque élève une pièce de 2 euros. Mais  de quel héritage parle- t-on ? Des 1200 postes de PEPS supprimés depuis 2017 ? Des 10% d’élèves qui ne bénéficieront pas d’apprentissage de la natation au cours de leur scolarité ? De la suppression des heures de soutien en natation dans un grand nombre de collèges ou encore du chantage via le PACTE (certains chefs d’établissement n’hésitent pas à supprimer le soutien aux non nageurs dans le cas où les enseignant·es ne signent pas le PACTE) ? Des 50% d’installations vétustes en France ? Des dispositifs imposés qui viennent en concurrence directe avec l’enseignement de l’EPS pourtant premier lieu de démocratisation du sport ? Du manque de formation initiale pour les PE ?

C’est en ce sens que le SNEP FSU appelle à la grève le 15 mars et organise une action place de la République à Paris le même jour avec la revendication des 4 heures d’EPS de la 6e à la Terminale.

La FSU alerte une fois de plus le ministère sur la restructuration de l’offre de formation qui est en cour dans les lycées professionnels. Elle rappelle le devoir de l’État d’éducation et de formation de toutes la jeunesse et plus globalement de tous·tes les citoyen·nes inscrit·es dans le préambule de la constitution. L’instrumentation des LP au service du recrutement de la main d’œuvre de quelques secteurs et quelques entreprises locales est non seulement une erreur historique mais, comme le montre très bien une note récente de la DEPP sur « l’orientation en Cap par apprentissage ou par voie scolaire », elle met en danger la formation et la qualification des jeunes les plus fragiles, celles et ceux qui n’ont que l’enseignement professionnel pour se former.

Les rectorats doivent donc maintenir une offre de formation sous statut scolaire partout sur le territoire notamment en CAP pour accueillir les élèves de SEGPA. La FSU ne laissera pas la formation scolarisée être démantelée au bénéfice des CFA et autres organismes de formation privée.

Depuis que les GRETA développent des actions de formation en apprentissage, celles- ci viennent concurrencer, voir se substituer aux formations professionnelles initiales sous statut scolaire.

Pour la FSU, le ministère doit donner les moyens aux GRETA de remplir pleinement leur rôle, ils doivent se recentrer sur la formation professionnelle des adultes, donc bien au-delà de 29 ans, et notamment les adultes les plus éloignés de la formation professionnelle.

Les raisons de la colère des personnels de l’éducation nationale sont multiples :  salaires, suppressions de postes, conditions de travail dégradées, manque de moyens pour l’inclusion, mépris en imposant des méthodes et des pratiques pédagogiques, invisibilité des assistantes de service social dans les annonces gouvernementales. De nombreuses actions et grèves ont lieu sur l’ensemble du territoire. La FSU participe à ces mobilisations et appelle à les amplifier. La FSU soutient notamment la mobilisation du 22 mars des assistantes et conseillères techniques de service social.

La FSU soutient les actions des personnels de Seine-Saint-Denis qui exigent un plan d’urgence pour l’école publique dans ce département le plus pauvre de l’hexagone qui concentre de très nombreuses difficultés, économiques, sociales et scolaires. Aujourd’hui, l’École publique qui y est dans un état de délabrement avancé, n’a pas les moyens d’assurer ses missions.

Que l’État ne soit pas en mesure d’assurer un service public de qualité aux élèves les plus pauvres est scandaleux. C’est un renoncement à l’ambition des services publics. Mais si vous y renoncez, nous n’y renonçons pas : pour nos salaires et l’École publique, la FSU appelle à la grève le 19 mars et à inscrire l’action dans la durée.