Madame la Ministre,
Lors de son 11e congrès national à Rennes en février dernier, la FSU a réaffirmé son engagement sans faille pour une École émancipatrice et réellement inclusive. Le service public d’éducation doit avoir les moyens de scolariser tous les jeunes jusqu’à 18 ans. Pour cela, il faut augmenter le budget de l’Éducation nationale, et l’argent public doit être réorienté exclusivement vers le service public d’éducation, seul à même de proposer une éducation et une formation de qualité pour tous·tes les jeunes, contrôlée et certifiée par l’État.
L’affaire Bétharram est emblématique d’un fonctionnement des établissements privés confessionnels qu’il y a urgence à questionner. L’Éducation nationale doit réellement se donner les moyens de contrôler l’ensemble des établissements privés notamment ceux qui accueillent des mineur·es. Cela englobe aussi les CFA privés qui accueillent de plus en plus d’apprenti·es mineur·es qui cumulent le risque être soumis à la fois aux violences sexistes et sexuelles sur leur lieu de formation mais aussi sur leur lieu de travail. La FSU poursuivra son travail de construction d’un plan de sortie du financement de l’école privée par les fonds publics. Elle s’opposera au projet d’ouverture de l’académie Saint Louis par le milliardaire d’extrême droite Pierre-Edouard Stérin.
Le service public d’éducation a besoin d’être soutenu et développé, et ses orientations ainsi que ses objectifs doivent être clairement définis en concertation avec les représentant·es des personnels, des parents et des élèves. La démocratisation de l’éducation et la lutte contre les inégalités scolaires, encore trop fortement corrélées aux inégalités sociales, doivent enfin être une priorité réelle. Cela ne peut passer que par une amélioration des conditions d’enseignement, notamment par la diminution des effectifs par classe, et plus globalement par « plus et mieux l’École ». L’accès à l’éducation et à la culture doit être une réalité pour tous les jeunes. La réduction des budgets de la culture et des collectivités territoriales aura des impacts négatifs pour les professionnel·les des arts, du spectacle et de la création artistique. Elle aura des incidences directes sur les projets d’Éducation artistique et culturelle des établissements scolaires. La FSU demande que l’État finance tous les besoins éducatifs de l’École publique. La poursuite d’études, notamment dans le supérieur, quel que soit son parcours ou sa formation, doit être une possibilité pour tous les jeunes, indépendamment de leur origine sociale, dans l’objectif de la démocratisation du lycée et de l’enseignement supérieur et de continuer à élever le niveau de qualification de tous·tes.
Pour cela, l’École doit arrêter de trier et d’orienter les élèves par l’échec. L’École doit devenir un sanctuaire où les principes stricts de la laïcité doivent être appliqués. Ainsi, elle doit être déconnectée des aspirations du patronat, qui cherche plus que jamais à modeler l’école dans le but principal d’alimenter le marché du travail. Les 14 propositions sur l’orientation scolaire du MEDEF : « Rapprocher les aspirations des jeunes et les besoins des entreprises », sorties en mars 2025, sont emblématiques d’une dérive en cours depuis plus de 20 ans. L’utilisation de l’IA pour l’orientation, la multiplication des stages dès le plus jeune âge, la mise en place de bilans de compétences pour les élèves réalisés par des intervenant·es extérieur·es, la formation des personnels par immersion en entreprise, la philosophie est toujours la même : rapprocher l’École de l’entreprise! La méthode est aussi identique : l’attaque du système éducatif qui serait défaillant et responsable de la mauvaise orientation des jeunes. Mais une nouvelle étape a été franchie, puisque l’École serait aussi responsable du turn-over des jeunes salarié·es en entreprise, alors que le CEREQ a bien montré que les causes principales de celui-ci sont le manque de sens du travail proposé par l’entreprise et les mauvaises conditions de travail. Non, l’école n’est pas au service de la productivité des entreprises et elle n’a pas à se substituer à la responsabilité des entreprises en termes de formation. L’école n’est pas là pour donner les « codes de l’entreprise » via l’introduction des soft skills ou encore des compétences psychosociales dans les programmes, ni pour accompagner les élèves les plus socialement défavorisé·es vers les métiers en tension, ni même pour répondre aux « besoins de compétences » de celles-ci ou encore pour résoudre les problèmes RH ou de management dans les entreprises. Les programmes et les contenus de formation doivent avant tout être dictés par la volonté de l’État de former des citoyennes et citoyens émancipé·es, capables, dans un monde de plus en plus complexe et violent, de faire des choix éclairés par des savoirs validés. La liberté pédagogique des enseignant·es doit être respectée et alimentée par une formation initiale et continue qui réponde également à ces enjeux.
Au-delà de ce que les syndicats de la FSU ont à dire sur les programmes à l’étude de ce CSE, la FSU rappelle que, quelles que soient les réformes de programmes, les délais de publication doivent être respectés pour que les enseignant·es puissent être formé·es et avoir le temps de les mettre en œuvre dans de bonnes conditions. La FSU exhorte le ministère à revenir à l’objet même d’un programme (art. L311-2) qui définit « les connaissances et les compétences qui doivent être acquises au cours du cycle et les méthodes qui doivent être assimilées ». Les programmes ne doivent donc pas devenir des guides pédagogiques ou des documents d’accompagnement essayant de normaliser les pratiques enseignantes. Sur les programmes EVARS, la FSU a mené un travail important pour qu’ils reflètent les avancées sociétales et luttent contre toutes les discriminations. La réintroduction des notions d’orientation sexuelle et d’identité de genre, ainsi que la reconnaissance des discriminations (homophobie, LGBT+phobie…), sont des acquis que nous avons défendus avec force et détermination. Nous restons vigilant·es face aux lacunes persistantes, notamment l’invisibilisation des personnes LGBTQIA+ et l’absence d’une véritable réflexion sur les effets de l’exposition à la pornographie. La FSU vous interpelle une nouvelle fois pour garantir un déploiement effectif des formations, développer les moyens en personnels sociaux et de santé et protéger les professionnel·les confronté·es aux pressions et menaces de certaines familles.
L’une des urgences ignorées par votre ministère est la crise de recrutement et la formation initiale des enseignant·es et CPE. La baisse continue des inscriptions aux concours du second degré (-4 % en 2025) et le maintien de déficits chroniques dans le premier degré illustrent l’échec des politiques ministérielles en matière d’attractivité du métier d’enseignant·e. Plutôt que de répondre aux besoins par une revalorisation salariale et une amélioration des conditions de travail, vous persistez dans une logique insuffisante de refonte de la formation initiale. La FSU réclame une formation ancrée dans la recherche, un recrutement sous statut de fonctionnaire et un renforcement des contenus didactiques et disciplinaires.
La réforme des lycées professionnels reste emblématique de la volonté de votre gouvernement de transformer l’ensemble du système éducatif afin d’organiser un tri social des élèves et d’alimenter les secteurs économiques en tension. Sa volonté est d’orienter davantage d’élèves vers la voie professionnelle, notamment vers l’apprentissage dès la fin de la classe de 3e, et de limiter les poursuites d’études des jeunes, augmentant ainsi leur taux d’activité. Le lycée professionnel, terrain d’expérimentation privilégié du ministère de l’Éducation, doit participer à cet objectif en avançant les épreuves du baccalauréat professionnel au 12 mai et en mettant en place, après celles-ci, un parcours différencié dont l’organisation et les contenus sont définis localement, dans le but de prioriser l’insertion professionnelle au détriment de la formation des élèves. La plus grande confusion règne quant au déroulement de cette fin d’année, perturbant les emplois du temps et l’organisation de l’ensemble des enseignements des autres classes et niveaux. L’improvisation, les pressions et les injonctions du ministère envers les professeur·es de lycée professionnel pour qu’ils et elles participent à la dégradation de leurs propres conditions de travail sont inadmissibles. Cette réforme conduit à une perte assumée des enseignements au mois de mai, avec une crainte d’explosion de l’absentéisme. Elle ne résoudra en rien la mobilisation, de plus en plus précoce, des PLP pour la passation des examens des candidat·es libres, dont le nombre ne cesse d’augmenter avec le développement de l’apprentissage privé. De plus, cette réforme génère de fortes inquiétudes quant au bon déroulement et à la réussite des examens, d’autant plus que les conséquences de celle-ci sur la réussite des élèves n’ont pas été anticipées. Un bilan sincère et réel devra être mené afin d’amorcer un retour des épreuves en juin dès la session 2025. La FSU demande toujours l’abrogation de l’ensemble de cette réforme.
Enfin, dans le cadre des assises de la santé scolaire, l’organisation d’un pôle santé et bien-être des élèves sous l’autorité des DASEN va accroître la bureaucratisation au détriment d’une présence renforcée des professionnel·les sur le terrain. La création d’un·e conseiller·ère technique en santé mentale pose la question d’une déprofessionnalisation progressive des personnels sociaux et de santé. La FSU dénonce cette approche hiérarchique et exige le renforcement de la présence des équipes pluridisciplinaires dans les établissements. Après un essai de quelques années désastreux, arrêté en 2003, la FSU s’oppose au retour d’une hiérarchie superfétatoire entre infirmières. La FSU réaffirme que la place des infirmières est dans les établissements, au plus près des élèves et sous l’autorité du chef d’établissement. Nous dénonçons également toute tentative d’externalisation des psychologues, infirmières et assistant·es de service social de l’Éducation nationale, et exigeons un investissement massif pour améliorer la réponse aux besoins des élèves. La FSU défend une approche fondée sur la prévention, l’éducation, le soin et l’accompagnement des élèves, et non sur une logique de substitution aux médecins scolaires.
La FSU appelle l’ensemble des personnels à se mobiliser pour défendre une éducation publique ambitieuse, juste et protectrice pour les élèves et les personnels. Nous ne céderons pas face aux logiques de dévalorisation et de marchandisation de l’éducation imposées par votre gouvernement. Dans un cadre fonction publique, la FSU, avec l’UNSA, la CGT et Solidaires, appelle les personnels à une première journée d’action le 3 avril sur les retraites, les salaires, les droits des personnels et les moyens des services publics.