Réforme de la formation initiale : communiqué avec les associations de professeur·es spécialistes

Le SNES-FSU et le SNUEP-FSU avec 12 associations disciplinaires demandent de suspendre le projet de réforme de la formation initiale des enseignant.es et CPE. Il a y urgence, comme cela a été fait par le gouvernement Attal sur l’assurance chômage au soir du 1er tour des législatives.

Le SNES-FSU, le SNUEP-FSU et les associations de professeur·es spécialistes AcirePh, APBG,
APDEN, APHG, APEMu, APLV, APSES, APPEP, FELCO, FLAREP, Polychrome-Edu et UdPPC
s’associent pour dénoncer le projet de réforme des concours des CAPES/CAPET/CAPLP/CPE. Le
ministère de l’Éducation nationale entend en effet appliquer à marche forcée dès la session 2025 un
recrutement des futur·es professeur·es et CPE durant l’année de licence 3, tout en sortant de
l’université la formation initiale des lauréat·es. Ce projet et la méthode employée pour l’imposer
inquiètent fortement les différent·s acteurs et actrices de l’Éducation nationale que nous sommes.
D’une part, le calendrier est intenable et l’application de la réforme ne peut être envisagée pour la
session prochaine. Cette réforme supplémentaire dans un temps très court éprouvera encore une
fois durement les personnels de la formation initiale tout en dégradant la lisibilité du recrutement
des enseignant·es et CPE.
D’autre part, les contenus des projets de maquettes des concours, dévoilés sans réelle concertation,
nous alertent et nous alarment car les attentes disciplinaires sont en forte baisse. Les épreuves
écrites et orales se contentent de vérifier des connaissances minimales, insuffisantes pour assurer
une réflexion critique et didactique sur les contenus enseignés. La « leçon » disparaît des épreuves
écrites et orales, la capacité à penser le cours pour les élèves ne sera plus évaluée, pas plus que la
connaissance des programmes scolaires.
Le contenu didactique disparaît bel et bien de toutes les épreuves : il n’est plus demandé aux
candidat·es de se projeter dans leur futur métier. Le ministère se justifie en expliquant qu’il n’est pas possible de maintenir de telles exigences car les candidat·es n’auront pas les acquis
disciplinaires nécessaires. Parallèlement, l’oral 2, dit « oral d’entretien », qui n’a aucune dimension
disciplinaire, est maintenu et renforcé pour contrôler la manière dont les candidat·es entendent
transmettre et même « incarner » les valeurs de la République, pour vérifier leur compréhension des
enjeux de la transition écologique et du bien-être de l’élève. Ces éléments prennent une place
disproportionnée au cœur du recrutement et au détriment des connaissances disciplinaires.
Une logique de « majeure et mineure » est installée dans de nombreuses disciplines, ce qui scinde
les contenus disciplinaires et contribue à l’éclatement de ces disciplines. Des programmes de
concours se limitent aux programmes de collège et de lycée sans encourager les candidat·es à
réfléchir globalement à leur discipline, à l’épistémologie, aux nouveautés de la recherche, etc. Une
« déspécialisation » disciplinaire se profile.
Alors qu’une acquisition progressive des savoirs disciplinaires durant le cursus universitaire est
essentielle à leur maîtrise afin de penser au mieux leur didactisation, le contenu de la formation
après l’obtention du concours n’est toujours pas connu. Aucune précision n’est donnée sur les
langues régionales, encore une fois considérées comme des sous-disciplines. Certains concours
(SES, documentation, CPE, disciplines bivalentes de la voie professionnelle, etc.) n’ont pas de
licence spécifique et les candidat·es viennent de cursus variés. Il est à craindre que le nouveau
concours ne fasse pas plus le plein que les actuels concours et que les candidat·es potentiel·les se
détournent de nos métiers.
Nous nous opposons à l’ensemble de ces mesures qui contribuent à fragiliser la formation des
enseignant·es et à affaiblir leur parole en classe ainsi que leur capacité à être concepteurs et
conceptrices de leur métier et expert·es de leur discipline. Le ministère s’engage manifestement
dans une déqualification globale de nos métiers, avec l’objectif de soumettre les futur·es
enseignant·es et CPE. Comment peut-on prétendre lutter contre la crise d’attractivité de nos métiers
alors qu’on projette une réforme qui les déqualifie et les prive d’autonomie professionnelle ?

Nous réclamons de toute urgence la suspension de ce projet de réforme et la mise en place d’une
véritable consultation autour d’une autre réforme des concours. Celle-ci devrait renforcer la
qualification de nos métiers et la diversification des voies d’accès, comprendre un plan pluriannuel
de recrutements, une revalorisation des salaires et une amélioration des conditions de travail dès le
début de carrière.
Paris, le 2 juillet 2024