Alors que nous étions réunis la semaine dernière pour tenir la précédente séance du CTMEN, le ministre chargé de la Fonction publique annonçait dans une conférence salariale qui se tenait juste de l’autre côté de la rue de Grenelle la « plus forte augmentation depuis 37 ans »… Décidément, à peine installé, voilà que le gouvernement reprend le travers des précédents : faire de la communication politique le « Saint-Graal » pour masquer l’indigence des mesures de sa politique. Car l’annonce qui y a été faite est, en réalité, dans la continuité de ce qui est fait depuis cinq ans : une politique non-salariale.
Ce n’est pas une diatribe idéologique, ni même une saillie de syndicalistes qu’il serait commode de taxer de « jamais contents ». C’est juste un regard posé sur les faits. Pendant cinq années les gouvernements ont mis un soin méticuleux à ne surtout pas rompre la chaîne du froid qui maintenait congelée la valeur du point d’indice. Et s’ils ont certes pris une batterie de mesures partielles ou catégorielles à grands renforts de communication, c’est avec méticulosité que celles-ci ont été conçues pour surtout ne pas concerner tout le monde. Et le ministre en charge de la Fonction publique cherche à surpasser ses collègues des gouvernements précédents dans l’ironie cynique. Il se vante de revaloriser la valeur du point d’indice comme jamais et parvient dans le même temps à saccager un peu plus le lien caractéristique de notre Fonction publique entre rémunération et carrière. Il le fait outrageusement en niant, au détour de sa communication, le principe statutaire selon lequel la valeur professionnelle des fonctionnaires s’apprécie sur la carrière. Pourtant, les passages d’échelons n’ont rien « d’automatiques », il s’agit de l’organisation d’un déroulement de carrière minimal qui reconnaît le renforcement de la professionnalité des personnels à mesure qu’ils acquièrent de l’expérience, des compétences, des savoirs, de la culture professionnels… bref qu’ils et elles travaillent, enseignent, encadrent, accompagnent, administrent, soignent, entretiennent ! En argumentant que la progression de carrière, qu’il estime à « 1,5 % en moyenne », sert finalement à compenser l’inflation (sans doute pour essayer désespérément d’atteindre un total de 5 %), le ministre ajoute au mépris qu’il affiche pour la préservation des conditions de vie des personnels, le déni de leur engagement professionnel, celui-ci même qui pourtant fait tous les jours la concrétisation du service public… Et puis « 1,5 % en moyenne », nos collègues de catégorie C et B apprécieront ! Les passages d’échelons ont, il y a quelques années, permis de maintenir le pouvoir d’achat, mais ça c’était avant… ça fait des années que ce n’est plus cas. Il faut dire que la valeur du point d’indice est en réalité au 1er juillet inférieure de 14,7 % de ce qu’elle était en 2010.
Alors, le ministre peut bien répéter cette fable élyséenne selon laquelle le système de rémunération de la Fonction publique est à bout de souffle, la vérité est que tout ce petit monde cherche une manière d’éviter de prendre des mesures générales… La désindexation de toutes les indemnités en est l’une des illustrations. Pour la FSU le combat pour une revalorisation générale des salaires et des indemnités est toujours d’actualité.
Depuis la dernière réunion du CTMEN, un nouveau gouvernement a été nommé. Pour la FSU en plaçant une ministre déléguée à l’enseignement professionnel sous la double tutelle du ministre du Travail et du ministre de l’Éducation Nationale, une ligne rouge a été franchie, car cela acte le fait qu’élèves et personnels de l’enseignement professionnel public ne relèveraient plus du seul ministère de l’Éducation nationale. C’est une négation de la place et du rôle primordial des lycées professionnels qui scolarisent et forment un tiers de la jeunesse lycéenne à des métiers essentiels, et qui participent à l’élévation du niveau de qualification des jeunes les plus fragiles. Ce choix relève d’une vision étriquée de la formation des jeunes réduite à un strict objectif d’employabilité. La dimension émancipatrice, l’apport d’une culture commune riche et diversifiée, l’équilibre entre enseignements généraux et professionnels permettant des poursuites d’études pour toutes et tous, est complètement balayé. Ce choix est aussi dangereux pour l’avenir d’une partie de la jeunesse, la plus fragile socialement, qui voit son parcours scolaire instrumentalisé pour répondre aux besoins économiques locaux. C’est donc un message terrible adressé à la jeunesse, et en particulier à la jeunesse populaire accueillie dans les lycées professionnels : le droit à l’éducation et à la formation est ainsi menacé. C’est aussi un message lourd de conséquences adressé aux personnels des lycées professionnels.
Dans notre déclaration du CTMEN du 28 juin nous insistions sur la nécessaire rupture que la profession attendait de la politique concernant l’éducation nationale. À la lecture de la circulaire de rentrée nous ne pouvons qu’être inquiets de la stricte continuité. Monsieur Le Ministre s’était montré rassurant sur la non généralisation de l’expérimentation de Marseille mais la circulaire de rentrée y fait clairement référence. Tous les éléments rejetés précédemment y figurent : les évaluations, le recentrage sur les fondamentaux, de nouvelles expérimentations en concurrence directe avec l’enseignement obligatoire comme les 2 heures de sport par semaine, ou encore la formation des enseignants construite autour des priorités ministérielles. C’est pourtant d’avoir confiance et de confiance dont les enseignant·es ont besoin. Quant aux différentes luttes contre le décrochage, pour l’inclusion ou pour réduire les inégalités, il y a besoin de recruter et de former correctement les personnels. Pour cela il faut attirer : revaloriser et améliorer les conditions de travail sont une nécessité. Nous espérons que les paroles du ministre lors du CTMEN seront suivies de faits.
Dans l’actualité du ministère et de nos professions, sans reprendre les sujets mis en exergue lors de ses précédentes déclarations, la FSU tient à souligner quelques points.
D’abord les dysfonctionnements, erreurs de barème comme d’affectation qu’a connu le mouvement intra-académique du second degré sont inadmissibles. Affectation de deux personnes sur un même poste, modification des vœux de collègues, intégration dans le mouvement de collègues n’ayant jamais confirmé leur demande de mutation, tout cela ne sont que quelques exemples les plus criants, mis à part la Guyane qui a décidé de faire à nouveau tourner l’algorithme pour tenter d’éviter le trop grand nombre d’erreurs. Il ne sera bientôt plus possible de rattraper les erreurs des années précédentes tant elles impacteront le mouvement lui-même. Quelle confiance en leur administration les personnels pourront-ils conserver face à de telles irrégularités ? Il est plus qu’urgentissime de mener la réflexion sur d’autres modalités d’un fonctionnement égalitaire et équitable des opérations de mouvement.
Nous attendons toujours la communication des contingents de promotion à la classe exceptionnelle et à l’échelon spécial des corps à gestion déconcentrée et des professeurs de chaires supérieures alors même que certains rectorats les ont déjà publiés. Par ailleurs, la FSU dénonce ce qui se passe dans les écoles de Lourdes. Les pressions hiérarchiques à l’encontre des enseignantes et enseignants pour qu’ils et elles participent au festival « L’offrande musicale » dans l’enceinte de la grotte de Lourde le 11 juillet, et enseignent à leurs élèves « l’ave verum corpus » de Mozart sont inacceptables et constituent une entorse à la laïcité. Le ministère doit faire cesser ces pressions.
Nous souhaitons que soit rappelé aux académies que la formation des fonctionnaires stagiaires à temps plein doit se faire sur le temps de service tel qu’il est précisé dans la note de service. Il est inadmissible que certaines académies continuent de demander la libération d’une journée et d’envisager des formations pendant les vacances.
Le 28 juin, 10 % des infirmières de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur se sont mobilisées pour exiger une refonte du Logiciel infirmier de l’Éducation nationale « LIEN », promu au pas de charge bien qu’inadapté et non abouti, et le report d’un an de son déploiement car il dégrade les conditions d’accueil des élèves mais également leurs conditions de travail. Face aux besoins accrus des élèves en consultations infirmières et après 5 années sans créations suffisantes de postes, sans reconnaissance salariale et sans respect de leur expertise, les infirmières de l’Éducation nationale attendent des actions pour sécuriser la rentrée 2022 qui s’annonce difficile, ainsi que la relance et le développement d’une véritable politique éducative de santé !
Quant à la menace de décentralisation de la santé à l’École qui n’est pas écartée, la FSU s’opposera à toute action comme celle du Conseil départemental de la Gironde qui se pose à l’avant-garde de l’externalisation de la santé à l’école en en revendiquant l’expérimentation, s’appuyant sur la loi 3DS (article 144) et sans attendre le fameux rapport gouvernemental (toujours occulte). La santé à l’École doit rester sous la gouvernance pleine et entière du Ministre de l’Éducation.
Toujours à propos de la loi 3DS et de l’application de son article 145 qui prévoit la possibilité pour des collectivités territoriales d’exercer une autorité fonctionnelle sur les adjoints-gestionnaires : le sens réel de la mesure se dévoile de plus en plus. Le projet de document cadre actuellement discuté entre le ministère et l’ARF et l’ADF prévoit que les collectivités pourront avoir même un rôle d’évocation pour l’évaluation professionnelle des adjoint-es gestionnaires et donc chercher à influer sur le déroulement de leurs carrières. C’est inadmissible ! La schizophrénie administrative dans laquelle cette mesure législative va plonger nombre d’EPLE ne peut avoir d’effet sur les carrières de nos collègues. Nous attendons du ministère toute mesure de protection utile que ce soit pour les carrières, mais aussi les conditions d’exercice des missions et la santé des personnels.
Enfin, la double tutelle Éducation nationale-Armées sur le service national universel est un signal de plus d’une politique pour la jeunesse à la dérive et confondant éducation avec embrigadement… Depuis 2019 les avatars de ce dispositif se sont montrés très normatifs, détournant la notion d’engagement, aux antipodes de toute volonté d’émancipation, allant à l’encontre d’une réelle construction de la citoyenneté des jeunes.