TRIBUNE

La France doit protéger ses lanceurs d’alerte

Reconnaître le rôle des syndicats comme des «facilitateurs» d’alerte, aider financièrement, psychologiquement et juridiquement ces salariés témoins d’abus et renforcer les sanctions contre les entreprises qui veulent les faire taire : la France doit renforcer le statut de ces «vigies de l’éthique», estime un collectif d’organisations syndicales.
par Un collectif d'organisations syndicales
publié le 16 juin 2021 à 8h13

En 2019, l’Union européenne a adopté une directive pour améliorer la protection des lanceurs d’alerte dans les Etats membres, dont la France. Celle-ci doit être transposée en droit français avant le 17 décembre. Il reste donc six mois et… toujours rien !

Pourtant, cette directive prend la mesure du problème avec un certain nombre d’avancées par rapport au droit français. Afin de pallier les carences de la loi Sapin II de 2016, elle simplifie la procédure de signalement avec l’abolition de l’obligation de signalement interne en premier lieu. Qui plus est, elle laisse aux Etats le soin d’aller plus loin, notamment dans le rôle que peuvent jouer les syndicats afin de ne plus faire peser sur une seule personne le poids de l’alerte.

Douze propositions pour une loi ambitieuse

La CFDT-Cadres, la CFE-CGC, l’Ugict-CGT, la CFTC, la FSU, l’Union syndicale Solidaires et Eurocadres partagent donc l’initiative de la Maison des Lanceurs d’alerte et de plus de 20 autres organisations : ensemble, nous appelons à soutenir ces 12 propositions pour une loi ambitieuse.

Nous demandons notamment que soit reconnu le rôle des syndicats comme «facilitateurs» d’alerte et qu’une protection leur soit accordée lorsqu’ils portent une alerte en lieu et place d’un salarié, en vue de le protéger de représailles encore trop fréquentes de la part de son employeur. De plus, le droit au secret des sources doit être reconnu afin que les représentants syndicaux ne soient pas contraints de révéler l’identité du lanceur d’alerte.

La mise en place des dispositifs d’alerte interne doit être également négociée avec les syndicats, qui doivent être associés au suivi des enquêtes. En effet, les syndicats sont souvent les premiers interlocuteurs des lanceurs d’alerte dans leurs lieux de travail. Ils sont, par principe, les mieux placés pour connaître les spécificités du milieu professionnel dans lequel l’alerte est portée. La mise en place de canaux internes doit donc être incluse dans la négociation collective obligatoire et un rôle de suivi sur les alertes doit être donné aux syndicats, avec l’obligation, notamment, d’enquêtes conjointes entre direction et syndicats.

Il est impératif de renforcer les sanctions contre les entreprises et les administrations qui cherchent à réduire au silence les salariés témoins d’abus. Les moyens sont nombreux pour faire taire les signalements avant même qu’ils ne se produisent ou punir ceux qui les ont faits au moyen de procédures-bâillons. Ces agissements doivent être fortement découragés par des sanctions pénales réellement dissuasives.

Une aide psychologique gratuite et rapide

Plus généralement, les difficultés financières subies par les lanceurs d’alerte en raison de leur engagement doivent être prises en charge au travers d’un fonds de soutien abondé par les amendes payées par les entreprises et administrations qui ne satisfont pas leurs obligations en matière de droit d’alerte. Par ailleurs, pour faire face aux conséquences pour leur santé, nous demandons que les lanceurs d’alerte aient accès à une aide psychologique gratuite et rapide. L’aide juridique aussi doit être consolidée.

Les lanceurs d’alerte sont des vigies de l’éthique et leur droit d’expression participe de l’enjeu démocratique en entreprise et dans les administrations, droit que nous défendons pour tous les travailleurs et travailleuses. La loi française actuelle ne suffit pas et il est plus que temps de l’améliorer. Nous invitons donc toutes les personnes qui se battent pour le droit d’expression et d’alerte dans les lieux de travail à signer notre appel (1) pour une vraie protection des lanceurs d’alerte.

(1) loi.mlalerte.org/je-signe

Signataires :

Sophie Binet et Marie-José Kotlicki, cosecrétaires générales de l’Ugict-CGT, Cyril Chabanier, président de la CFTC, Murielle Guilbert et Simon Duteil, codélégués de l’union syndicale Solidaires, François Hommeril, président de la CFE-CGC, Martin Jeffleen, président d’Eurocadres, Laurent Mahieu, secrétaire général de la CFDT Cadres, Benoît Teste, secrétaire général de la FSU.

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