bo Le Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Le Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.

Enseignements primaire et secondaire

Baccalauréat professionnel

Programme limitatif de français de la classe terminale - Année scolaire 2023 2024

NOR : MENE2302851N

Note de service du 30-1-2023

MENJ - DGESCO C1-3

Texte adressé aux recteurs et rectrices d'académie ; au directeur du Siec d'Île-de-France ; aux cheffes et chefs d'établissement ; aux professeures et professeurs de français de la voie professionnelle
Références : arrêté du 3-2-2020 publié au BO spécial n° 1 du 6-2-2020

Le programme limitatif de la classe terminale professionnelle pour les années scolaires 2021-2022 et 2022-2023 défini par la note de service du 6 janvier 2021 est reconduit pour l'année scolaire 2023‑2024.

Le programme de la classe terminale prévoit un seul objet d'étude « Vivre aujourd'hui : l'humanité, le monde, les sciences et la technique ». Pour définir une entrée pertinente dans les enjeux et débats du monde contemporain, l'objet d'étude est précisé par un programme limitatif renouvelable tous les deux ans. Ce dernier détermine un thème à travailler et propose une bibliographie dans laquelle le professeur choisit une œuvre et construit un corpus.

Programme limitatif pour l'année scolaire 2023-2024 : Le jeu : futilité, nécessité

Le programme renouvelable vise à déterminer une entrée qui permette d'aborder les enjeux de l'objet d'étude selon une perspective précise. Le thème du jeu rencontre tant le titre de l'objet d'étude de la classe terminale (« Vivre aujourd'hui ») que les substantifs qui en circonscrivent l'empan : activité humaine, décisive pour la construction personnelle de l'enfant, le jeu implique un rapport au monde, et dépend, dans ses variations concrètes, du monde dans lequel il s'exerce et auquel il prépare. Les jeux varient enfin selon l'état de la technique des sociétés qui les inventent.

Fondateur et sans doute constructeur de l'humanité, si l'on croit en sa nécessité au moins durant l'enfance, le jeu est également une pratique déterminée historiquement. « Vivre aujourd'hui », c'est encore et toujours jouer, mais jouer autrement et sur d'autres supports qu'autrefois. Le jeu invite ainsi à penser le rapport de l'homme au monde ; il interroge aussi le rapport à la technique et ce que propose - et quelquefois impose - le monde scientifique et technologique dans lequel l'humanité s'invente et se construit.

Mots clés

  • Les joies du jeu : plaisir, amusement, connivence, risque, règles, compétition, défi, feinte, tricherie, avatar, gain, perte, hasard, stratégie, badinage, séduction.
  • Les formes du jeu : jeu de société, collectifs, individuels, imaginaires, vidéos, langage, jeu sérieux, jeu d'évasion (escape game).
  • L'esthétique du jeu : jeu dramatique, farce, jeux de langage, jeux littéraires, jeux d'esprit.
  • Les rituels du jeu : carnaval, jeux télévisés, casinos, parc d'attractions, catharsis.
  • Les jeux de société, la société du jeu : socialisation, addiction, bizutage, rites, mythes, interprétation, ludification (gamification), pouvoir, ludothérapie.

Problématique

Activité qui concerne l'ensemble de l'humanité à tous les âges, le jeu recouvre de multiples acceptions : compétition sportive, divertissement ou exutoire collectifs, source de plaisir ou remède à l'ennui, apprentissage et initiation, instrument du pouvoir politique et économique mondialisé qui crée de nouvelles mythologies et de nouveaux rites sociaux.

La réflexion sur le jeu distingue jeu de règles et jeu d'imagination (selon les auteurs, ludus et jocus, game et playing). Dans le premier cas, le jeu se définit par ses objets et ses règles. Le game définit un espace (terrain de football, plateau, univers virtuel, etc.) qui impose des règles. L'univers référentiel du jeu est alors imposé au joueur et le contraint à s'adapter en développant une stratégie, et ce respect de la règle ne va pas sans enjeux moraux. Dans le deuxième cas, lorsque le jeu est inventé par le joueur, c'est lui qui détermine ses propres règles et confère à des objets un rôle qui peut d'ailleurs s'arrêter avec l'activité elle-même : les cailloux redeviennent des cailloux quand ils ne sont plus insérés par libre décision du joueur dans un jeu.

Comme les enfants, les adultes ont toujours joué, et engagé quelquefois leur destin dans des jeux. L'histoire, la sociologie, la psychologie, la littérature et les arts aident à penser les paradoxes du jeu : une activité apparemment détachée des intérêts immédiats, mais qui met en jeu le joueur, sa vie sociale et affective ; une vocation à la liberté, mais qui peut aussi constituer une aliénation ; un plaisir, mais dont la littérature et les arts ont souvent révélé aussi bien les dangers que les abîmes tragiques ; une oscillation entre hasard et stratégie ; une activité qui détermine aussi les jeux des êtres dans le théâtre du monde. Ce sont ces grandes tensions qui permettent, dans le temps imparti à la formation en classe terminale, d'arpenter la question du jeu, un mot dont les extensions métaphoriques peuvent être exploitées sans constituer cependant le centre d'une thématique qui gagnera à ne pas trop s'écarter du jeu et des jeux au sens le plus concret du terme. En effet, le jeu est un terme aux multiples acceptions et emplois ; son usage dans la langue atteste ainsi de la façon dont il sert à dire l'action humaine, voire certains rapports au monde :

jouer à ; se jouer de ; jouer sa vie ; cacher son jeu ; dévoiler son jeu ; se refaire au jeu ; jouer un jeu dangereux ; jouer avec le feu, avec la vie ; jouer sa réputation ; alea jacta est ; sur un coup de dé ; game over ; jouer à qui perd gagne ; jouer sur les mots ; jeux de mains, jeux de vilains ; jouer serré ; hors-jeu ; enjoué ; vieux jeu ; jeu d'écritures comptables ; jeu de clés ; avoir du jeu ; jeu de scène ; jeu de lumières ; se prêter au jeu ; un jeu d'orgue ; mettre en jeu ; double jeu ; soufflé n'est pas joué ; jouet ; joujou ; joute ; c'est un jeu d'enfant ; entrer en jeu ; tirer son épingle du jeu ; d'entrée de jeu ; le jeu n'en vaut pas la chandelle ; abattre son jeu ; mettre quelqu'un/quelque chose en jeu ; entrer dans le jeu de quelqu'un ; à ce petit jeu ; heureux au jeu, malheureux en amour ; le démon du jeu ; faire jouer la clé dans la serrure ; jouer dans la cour des grands ; pouce ! ; jouer des tours ; jouer de malchance ; jouer de son influence ; jouer sur le cours de l'or ; jouer des jambes, de la prunelle ; jouer la belle ; c'est joué d'avance ; jouer gros ; ma mémoire me joue un tour ; ce spectacle se joue ; petit joueur ; avoir beau jeu, faites vos jeux, les jeux sont faits ; bien joué !, etc.

Si le jeu est inhérent à la construction humaine, il est inscrit dans des époques, et la révolution numérique a considérablement transformé non seulement les jeux, mais les pratiques. Les technologies modifient l'espace et le temps du jeu : on peut jouer partout et tout le temps (jeux sur les smartphones utilisés dans les transports en commun, jeux en réseaux, jeux utilisant la réalité augmentée, par exemple).

Ce thème conduit donc à s'interroger sur le caractère à la fois nécessaire et futile du jeu, sur ce qu'il implique dans la construction individuelle et collective de l'être humain, sur sa dimension culturelle, éthique, sociale et économique. Pourquoi l'homme a-t-il besoin de jouer ? En quoi la règle est‑elle intrinsèque au jeu ? Mais pourquoi un tel espace de liberté et d'expérimentation peut-il conduire à l'aliénation ? Comment en définitive comprendre la place du jeu dans notre vie personnelle et sociale ?

Œuvres au choix

Les professeurs choisiront l'une des œuvres suivantes à travailler avec les élèves :

  • Honoré de Balzac, La Peau de chagrin (1831) ;
  • Bruce Bégout, Zéropolis - L'expérience de Las Vegas (2002) ;
  • Emmanuel Carrère, Hors d'atteinte ? (1988) ;
  • Feodor Doistoïevski, Le Joueur (1866) ;
  • Yasunari Kawabata, Le Maître ou le tournoi de go (1954) ;
  • Maylis de Kerangal, Corniche Kennedy (2008) ;
  • Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses (1782) ;
  • Erwan Le Bihan, Requiem pour un joueur (2017) ;
  • Vladimir Nabokov, La Défense Loujine (1930) ;
  • Arthur Schnitzler, Les Dernières Cartes (1926) ;
  • Stefan Zweig, Le Joueur d'échecs (1943).

Pour la construction de leur problématique, les professeurs pourront notamment appuyer leur réflexion sur les travaux suivants :

Pistes complémentaires

Les professeurs peuvent s'inspirer de ces références pour la construction de leur groupement, pour la conduite des lectures cursives ou pour l'approfondissement de la réflexion. Les propositions qui suivent sont indicatives ; elles ne visent pas à l'exhaustivité et peuvent être à loisir complétées.

Références bibliographiques

Essais

  • Gilles Brougère, Jeu et éducation (1995) ;
  • Roger Caillois, Les Jeux et les hommes (1967 [1958]) ;
  • Claire Garcia, Jean-Louis Martinez, « Cas 8. The game », dans 10 cas de marketing (2017) ;
  • Georges Vigarello, Du jeu ancien au show sportif : la naissance d'un mythe (2002).

Théâtre

  • Samuel Becket, En attendant Godot (1952) ;
  • Roland Dubillard, La Maison d'os (1966), Les Diablogues (1975) ;
  • Marivaux, L'Heureux Stratagème (1733), La Double Inconstance (1723) ;
  • Molière, Dom Juan (1665).

Romans, nouvelles, anthologie

  • Faites vos jeux ! Les jeux en littérature, collectif, folio (2013) ;
  • Louis Aragon, Les Beaux quartiers (1936), Les Voyageurs de l'impériale (1942) ;
  • Jules Barbey d'Aurevilly, « Le Dessous de table d'une partie de whist », dans Les Diaboliques (1874) ;
  • Lewis Carrol, Alice au pays des merveilles (1869 [1865]) ;
  • Agatha Christie, Cartes sur table (1939 [1936]) ;
  • Philippe Claudel, Trois petites histoires de jouets (2004) ;
  • Christophe Donner, À quoi jouent les hommes (2012) ;
  • Maxence Fermine, Billard blues (2003) ;
  • Julien Green, Le Visionnaire (1934) ;
  • Côme Martin-Karl, « Une nuit en Normandie » dans la revue en ligne Antidote (2014) ;
  • Raphaël Meltz, Jeu nouveau (2018) ;
  • Prosper Mérimée, La Partie de trictrac (1830) ;
  • Arturo Perez-Reverte, Le Tableau du Maître flamand (1993 [1990]) ;
  • Alexandre Pouchkine, La Dame de pique (1852 [1834]) ;
  • Raymond Queneau, Pierrot mon ami (1942) ;
  • Luke Rhinehart, L'Homme-dé (1973 [1971]) ;
  • Shan Sa, La Joueuse de Go (2001) ;
  • Vikas Swarup, Les fabuleuses aventures d'un Indien malchanceux qui devint milliardaire (2006 [2005]) ;
  • Trevanian, Shibumi (1979) ;
  • Auguste de Villiers de l'Isle-Adam, « L'Enjeu », dans Nouveaux contes cruels (1888) ;
  • Stefan Zweig, Vingt-quatre heures de la vie d'une femme (1927).

Poésie

  • Charles Baudelaire, « Le joujou du pauvre » dans Le Spleen de Paris (1869) ; « Le jeu » dans Les Fleurs du Mal (1857) ;
  • Jorge Luis Borges, « Échecs » dans La Proximité de la mer (2010) ;
  • Henri Michaux, « Le grand combat » dans Qui je fus (1927) ; « Intervention » dans La Nuit remue (1935) ;
  • Raymond Queneau, Cent mille milliards de poèmes (1961) ;
  • Jacques Roubaud, (1967) ;
  • Jean Tardieu, Monsieur Monsieur (1951).

Ressources audiovisuelles, plastiques et numériques

Le visionnement d'un film ou la lecture d'une bande dessinée ne se substitue pas à la lecture d'une œuvre intégrale. Certains extraits brefs des films, séries et podcasts peuvent être étudiés au sein du groupement de textes et œuvres artistiques fondant la deuxième séquence. Pour tout ou partie, films, séries, récits graphiques et podcasts peuvent aussi être proposés aux élèves en-dehors du temps scolaire.

Cinéma, séries

  • David Cronenberg, eXistenZ (1999) ;
  • Julien Duvivier, La Belle Équipe (1936) ;
  • Scott Frank et Allan Scott, Le Jeu de la dame (2020) ;
  • Patrice Leconte, Ridicule (1996) ;
  • Joseph L. Mankiewicz, Le Limier (1972) ;
  • François Ozon, 8 femmes (2002) ;
  • Jean Renoir, La Règle du jeu (1939) ;
  • Robert Rossen, L'Arnaqueur (1961) ;
  • Gary Ross et Francis Lawrence, Hunger games (tétralogie - 2012-2015) ;
  • Martin Scorsese, Casino (1995) ;
  • Steven Spielberg, Ready Player One (2018).

Musique

  • Rameau, Platée (1745) ;
  • Tchaïkovski, La Dame de pique (1911).

Peinture

  • Banksy, Bubble girl (2008);
  • Jérôme Bosch, L'Escamoteur (c. 1475-1505) ;
  • Pieter Brueghel l'Ancien, Les Jeux d'enfants (1560) ;
  • Caravage, Les Tricheurs (vers 1594) ;
  • Paul Cézanne, Les Joueurs de cartes (1892-1895) ;
  • Georges de La Tour, Le Tricheur à l'as de carreau (1636-1638) ;
  • Edouard Manet, Partie de croquet (1873) ;
  • Henri Matisse, La danse (1909-1910).

Photographie

  • Francis Alÿs (série Children's game) ;
  • Antoine Bourreau ;
  • Vivian Cherry, « Games of guns »;
  • Martha Cooper : « Jeu de ville Martha Cooper à New York » ;
  • Robert Doisneau ;
  • Sabine Weiss.

Bande dessinée

  • Morris, Lucky Luke contre Pat Poker (1953) ;
  • David Sala, Le Joueur d'échecs (d'après Stefan Zweig) (2017) ;
  • Chris Ware, Building stories (2012) ;
  • Jorge Zentner et David Sala, Replay (2000).

Articles, magazines, revues

Podcasts

Pour le ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, et par délégation,
Pour le directeur général de l'enseignement scolaire, et par délégation,
Le chef du service de l'accompagnement des politiques éducatives, adjoint au directeur général,
Jean Hubac